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Il arrive enfin, le premier Wu Xia Pian (film de sabres) que nous critiquons, et non des moindres, puisque Duel to the Death est un des Wu Xia Pian fondateur de la nouvelle vague des années 80. Un film culte donc, qui aura marqué d'une pierre blanche l'histoire du cinéma de Hong-Kong. Rien que ça. Réalisé en 1983 par le désormais célèbre Ching Siu-Tung (et dont c'est d'ailleurs le premier film) Duel to the death mélange habilement Wu Xia Pian et Chambara pour donner un pur film de sabre aux confins des genres.

Un duel doit avoir lieu entre le champion de la Chine et celui du Japon afin de savoir lequel des deux pays possède le plus grand art du sabre. Il fera se confronter Bo l'épéiste à Hashimoto le samurai, chacun ayant la lourde responsabilité de représenter leur pays. Le scénario semble tout ce qu'il y a de plus simpliste, du moins au premier abord, car au fur et à mesure de l'avancée du film, on s'aperçoit qu'il est beaucoup plus complexe. Et le duel initialement prévu cachera en réalité une énorme machination politique s'étendant sur plusieurs dizaines d'années... Au bout du compte, même si le scénario n'atteint pas des sommets, il a le mérite d'être intelligent, ce qui ne peut être qu'un plus dans ce genre de film.

Mais ne tournons pas autours du pot, et venons en à l'essentiel : Duel to the death se résume en deux points : personnages magnifiques et combats complètement fous. Les deux épéistes représentent l'art de leur pays, mais également un certain idéal du combattant. Bo, interprété par un excellent Damian Lau est le mélange parfait entre la grâce et la vivacité. Ne comprenant pas pourquoi un duel doit aller jusqu'à la mort, il est en lui même une réflexion sur le statut d'épéiste ("les adeptes des arts martiaux ont un sort peu enviable, s'ils sont médiocres, leur vie est menacée, s'ils sont bons, ils voudront défier les meilleurs ou ils seront défiés"). Beaucoup moins imposant physiquement que son homologue nippon, Bo n'en est pas moins un combattant hors pair, d'une rapidité incroyable. Intègre et réfléchi, Bo est la représentation idéale du chevalier chinois. Hashimoto est son opposé, concentré de volonté et de puissance, il se bat pour la victoire. Soit il gagne , soit il meurt, tout est une question d'honneur ("un adepte du bushido ne combat que pour vaincre, ...dans le combat, il ignore la pitié, si un dieu lui fait obstacle, qu'il le tue, si un bouddha lui fait obstacle, qu'il élimine ce bouddah" ). Magistralement interprété par Tsui Siu-Keung, Hashimoto possède un charisme monstrueux, toujours très calme, on sent une énorme puissance qui émane de lui. En un mot : LE samurai. Aussi droit que borné, prêt à mourir à chaque instant, il consacre sa vie à l'épée et mourra par l'épée, ou ne mourra pas. L'idée de voir s'affronter ces deux personnages est à elle seule une source de plaisir intense, et on attend avec impatience ce duel final que l'on imagine magistral.

Au niveau des combats, il faut rendre hommage à l'ingéniosité et à la maîtrise de Ching Siu-Tung. Les affrontements sont parfaitement chorégraphiés, vifs et puissants (la maîtrise des acteurs aidant) avec un montage rapide (limite épileptique) mais qui laisse toutefois l'action très lisible (on ne doute pas une seconde des capacités martiales des deux protagonistes principaux). on prend compte de la maîtrise du chorégraphe en ce qui concerne la mise en scène, certains plans sont magnifiques, Ching Siu-Tung laissant aux combattants le temps de s'observer l'un l'autre, immobiles, conscient de la présence de ses acteurs vedette, il donne une dimension contemplative aux affrontements. Mais Ching Siu-Tung ne se contente pas de chorégraphier des combats hallucinants de rapidité et de beauté, il saupoudre le tout de trouvailles techniques et visuelles toutes plus folles les unes que les autres : des ninjas qui se dédoublent, qui se cachent sous terre, ou qui changent de sexe, des combattants qui disparaissent l'espace d'un instant, d'autres qui esquivent en quittant leurs vêtements etc... un vrai bonheur! Et c'est certainement pour ça que Duel to the death restera pour moi Le Wu Xia Pian par excellence : il regroupe en 1h30 tout ce qu'on peut attendre du genre : des épéistes gracieux, des samouraïs puissants, des moines shaolin droits, des ninjas fourbes, des duels en haut des falaises, des combats à 1 contre 10 dans une forêt, etc... chaque scène est un régal.

En dehors des combats (car il n'y a pas que ça non plus ^^) Ching Siu-Tung est tout aussi magistral, chaque plan est très travaillé, avec un souci du détail impressionnant. Les décors sont très beaux, voire magnifiques avec des couleurs éclatantes, on sent un véritable travail afin qu'au delà d'un film de sabre, Duel to the death soit aussi une belle oeuvre. Le tout donne au film une aura, une magie qui prend forme dès les premiers instants et qui continue pendant toute la durée du film.

Comme d'habitude, je finirai avec la musique, point assez important du film. Certain la trouveront ringarde à souhait, pour ma part, je ne pourrais pas imaginer le film sans elle, car même si elle est composée dans sa majorité au synthétiseur (ce qui la rend un peu cheap) elle colle parfaitement aux images. il suffit de voir la séquence finale pour s'en convaincre. Pas inoubliable donc, mais pas désagréable non plus...

Au final, malgré un petit faux pas de 3 minutes environ (une scène inutile où Bo vient dire au revoir à son maître, et qui tape en plein dans la comédie cantonaise dans ce qu'il y a de plus lourd et peu drôle), Duel to the death est le digne représentant de Wu Xia Pian, réussi sur tous les tableaux, aussi bien les combats que la réalisation époustouflante ou les acteurs, renversants (ce qui somme toute est assez peu fréquent dans ce genre de production). Tout y est parfait. Si vous ne devez voir qu'un seul Wu Xia Pian dans votre vie (ce qui serait dommage vu le nombre de titres de qualité dans le même genre) regardez Le Wu Xia Pian, regardez Duel to the Death.

  Aoshi

 

 
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