

"Guns"
flingues et "Talks" parlottes, deux mots signifiant
à eux seul toute la symbolique du film. Ceci dit, l'un de ces termes
(Guns & Talks) représente une plus grande importance scénaristisque
et sera donc particulièrement priviligié. Aussi étonnant que cela
puisse paraître, ce sont les dialogues qui vont primer, délaissant
quelque peu les meurtres et compagnies, caractéristiques premières
du tueur : En règle générale, ce dernier suit des règles et ne
doit en aucun cas les transgresser, au risque de se mettre lui même
en danger. Ces règles constituent une survie, et doivent donc être
respecter. Pour la plupart des tueurs, l'essence même de ces obligations
peut paraître très simple à comprendre car un tueur est avant tout
une personne dénuée de tout état de conscience, engendré par un
manque flagrant de pitié. Ce statut ne leur concède aucun sentiment
à l'égard de leur victime, ni même envers leur commanditaire.
Avec ce film, vous pouvez déjà oublier toutes les idées reçues
sur "LE" tueur dont mon paragraphe ci-dessus s'est grandement inspiré.
Guns and Talks doit être percu comme un polar où s'allie de l'action,
de l'humour et surtout des situations complétement loufoques.

Jugez par vous même. Quatres tueurs professionnels vivent paisiblement
de leur rente. Leurs contrats sont supervisés par le professionnalisme
du chef de bande qui leur permet de réaliser chaque meurtre avec
une finition sans égale. Chaque petit détail devient un impératif
qu'il leur faut respecter à la lettre. Tueur sans pitié durant le
boulot, ces joyeux lurons n'ont rien perdu du plaisir de la vie
et en profitent pleinement le reste du temps. Très timide devant
la gent féminime, ils se sentent soudain très proche quand arrive
une rencontre avec le sexe opposé (la scène volontairement
niaise où l'un d'eux tombe amoureux). Des tueurs mais surtout
des humains haut en couleur qui ne se privent pas des bonnes choses
de la vie rendant celle ci encore viable.
Les scènes cultes s'enchainent dans une ribambelle de fous rires
et d'illusions qui alimentent une sorte d'affection envers des personnages
au demeurant très simplistes, voire enfantins comme la scène où
l'on voit ces quatres "tueurs sanguinaires" fantasmer sur une présentatrice
télé. A ne pas confondre avec le fantasme pervers de tout obsédé
(homme normalement constitué) qui se respecte mais un amour
passionnel, limite obsessionnel avec lequel on se sent l'âme d'un
poête. Celui qui nous donne des ailes, nous permet de s'attendrir
au point de vouloir protéger une personne par tous les moyens.

Mais en tant que polar, le film est parfois obligé de revenir à
ses débuts, ainsi, des contrats, des poursuites et des fusillades
seront par moment le quotidien de ces tueurs... Tout ce qu'un bon
polar a besoin d'affirmer pour ne pas tomber dans la monotonie,
en associant des scènes de rigolades avec des passages plus violent,
bien que la scène de l'opéra soit d'une très grande
poésie. De ce fait, le film garde une certaine hétérogénéité.
Le rythme est alors maintenu tout au long du film et le spectateur
ne reste à aucun moment sur sa faim, ravi d'avoir suivi les péripéties
de ces tueurs particulièrement attachant rendant leur métier plus
noble qu'à l'accoutumé. D'un autre côté, les flics sont montrés
sous un autre jour, prêt à tout pour arriver à leur fin. En effet,
le flic chargé de l'affaire n'hésite pas à s'introduire dans la
maison de ses suspects, et le plus étonnant, c'est qu'il se familiarise
avec eux, leur fait et geste l'intrigue au plus haut point. La logique
voudrait qu'il cherche des indices, quitte à passer outre le protocole,
autant aller au bout de ses méfaits mais bien au contraire, ce dernier
ne peut s'empêcher de vouloir jouer au jeu du chat et de la souris
ou plutôt du gendarme et du voleur. Qui est le gendarme et qui est
le voleur, c'est à nous d'en tirer nos propres conclusions. C'est
le monde à l'envers comme dirait l'autre quoique...pas tant que
ça.

Niveau technique, la photographie est sublime, film coréen
oblige. Guns and talks offre des couleurs très accentué,
d'une créativité sans pareille. Je pense à
la scéne de théatre, quand la chanteuse traverse la
salle entourée de pétales de roses rouges. De plus,
elle est sublimé par une aura aveuglante et tel un ange,
elle chante la venue d'une fin annoncée. L'éloge funéraire
d'une mort théatrale qui au plus profond de sa tragédie
vacille entre la réalité et le doute!
Des couleurs savamment utilisées pour un film à l'ambiance
enjouée, le tout mené de main de maître par
des acteurs au charisme indéniable "ou" au look
délirant, celui du boss par exemple. Cheveux en pétard,
regard très démonstratif ainsi que des chaussures
en parfaite contradiction avec le reste de ses fringues. Des petits
détails, certes, mais très amusant à relever.
Par ailleurs, les personnalités varient beaucoup entre les
personnages, créant de nombreuses querelles, mais en définitive,
il y a un sujet où ils restent plus ou moins d'accord : Quelles
sont les limites à ne pas dépasser? En clair, où
est le bien et où est le mal? Certes, la frontière
est bien réélle mais à défaut de recevoir
le revers de la médaille, cette bande de tueur sait faire
la différence, ce qui, comme je le disais, ne leur facilite
pas vraiment la tâche.
Enormément de remises en question qui convergent toutes vers
le même point: "Pourquoi faisons nous cela?" La
conclusion est souvent identique: "Ils ont l'air désespéré
et nous sommes les seuls à pouvoir y remédier".
Sans véritablement s'en rendre compte, c'est à travers
leur métier qu'ils véhiculent le plus de bien être.
Le monde leur a confié une mission, un mode de vie qu'ils
ont bien voulu arborer et qui leur permet de parfaire une existence
rempli de contradictions et de désagréments. Beaucoup
de philosophie pour un film qui ne l'est pas moins.

A l'instar de la photographie, les procédés visuels
tels que le " le bullet time" ou l'écran séparé
en deux, voire trois écrans sont parfaitement exploités.
On voit bien que les techniciens connaissent leur métier.
Du second procédé, on retiendra une scène particulièrement
fendart où l'un des tueurs (Shin Ha-Kyun) raconte à
ses trois potes pourquoi il n'a pas pu atteindre sa cible. L'écran
de gauche montre le tueur en pleine narration de ses actes et l'écran
de droite représente la scène en question. Matraqué
par des sous entendus du genre "T'avais mis le silencieux?"
"La fenêtre était ouverte?", la scène
se modifie au gré des réponses de Shin Ha-Kyun sous
les regards suspicieux de ses trois compères. Une scène
hilarante!
Comme à mon habitude, je finirai sur la musique qui, au risque
de me répéter, constitue pour moi un point essentiel.
Peu importe le support utilisé, tant que l'émotion
substiste, cela m'est complétement égal. Chose étonnante,
Guns and talks a réussi à m'éblouir avec ses
thèmes aussi bien mouvementés (Pop coréen)
qu'orchestrale (la scène de l'opéra). Pour un film
de ce genre, le pari est réussi haut la main.

Le film jongle entre les genres, du polar en passant par la comédie,
sans pour autant se confondre avec un "fourre tout " imcompréhensible.
C'est d'ailleurs cette ambivalence qui permet au film de garder
un semblant de sérieux.
Après FAILAN et son drame aux frontières de l'au dela, MUSA et sa
fresque épique, CHINGU et son histoire autobiographique émouvante
au possible, 2009 lost mémories et son blockbuster digne des meilleurs
films d'actions, TELL ME SOMETHING et son thriller fracassant, VOLCANO
HIGH et ses héros à l'humour complétement décalé
etc... GUNS & TALKS me familiarise à un autre aspect du cinéma coréen,
celui des polars humouristiques matinés d'actions. Maintenant, je
peux dire que la corée nous fait profiter du ciné le plus innovant
que la terre ait portée en variant les genres d'une manière très
"pro". Merci la corée!
Jangzhaô 
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