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Cela fait un petit moment que "Hero" est annoncé dans le planning des critiques, à vrai dire, depuis que je l'ai vu pour la première fois, le 04 juillet 2003 (avant première française), jour qui restera gravé dans ma mémoire pour des siècles! En effet rien que pour vous, je me suis forcé à aller jusqu'à Paris et faire des heures de queue pour le voir en avant-première lors du festival Paris cinéma. Professionnel jusqu'au bout des orteils, j'ai sué sang et eau pour avoir ma place dans ce petit cinéma nommé "la pagoge". A ma grande surprise, beaucoup de gens l'attendaient, beaucoup ont du retourner chez eux, faute de place. Oh joie, une réunion de cinéphiles, conscients du potentiel du film et de son casting de rêve. Quelle ne fut pas ma déception après quelques minutes de film, lorsque je me rendis compte que la plupart étaient en fait des "passant" qui venaient voir un énième film de Jet Li, après "En sursis" et "The One". Les rires moqueurs a chaque utilisation de câbles étaient à mon avis assez évocateurs! frustration...

Mais passons les envies meurtrières tout au long du film, je suis là pour parler du film en lui même ! Et quel film ! Zhang Yimou est un réalisateur très connu en Asie, mais également en occident (à un degré moindre). Zhang Yimou est toutefois novice dans la réalisation de Wu Xia Pian, ce qui pourrait faire peur, c'était sans compter sur le casting ébouriffant : Jet Li et Donnie Yen n'ont plus rien à prouver en termes de compétences martiales, je dirai même que ce sont les deux meilleurs combattants de Chine (voir plus). Zhang Ziyi, après son coup de force dans "Tigre et dragon" de Ang Lee est également là pour rassurer. Mais d'un autre côté Tony Leung et Maggie Cheung ne sont pas vraiment réputés pour leurs techniques martiales, par contre ce sont sans aucun doute les deux meilleurs acteurs de Hong-Kong. Lorsqu'on voit un tel casting dans un film à gros budget réalisé par un talentueux metteur en scène, on ne peut qu'être enthousiaste. Et ce n'est pas tout puisqu'il faut encaisser une seconde claque, voyez vous même : Le directeur de la photographie se nomme Christopher Doyle, sans doute un des plus grands directeurs photos (il a notamment travaillé sur pratiquement toutes les oeuvres de Wong Kar Wai), pour la direction des combats, on retrouve Ching Siu Tung, dont la renommée n'est pas à faire, pour les costumes, l'oscarisée Emie Wada et enfin pour la musique, l'oscarisé Tan Dun ("Tigre et dragon"). Y a pas à dire, si le film est à la hauteur du casting, on est face au film du siècle! Admiration...

L'histoire se déroule il y a 2000 ans, alors que la Chine est divisée en sept royaumes. Les guerres font rage, mais c'est le roi de Quin qui est le plus déterminé. Enchaînant les victoires, il projette de conquérir toute la Chine et de devenir le premier empereur. De nombreux assassins venant des six royaumes tentèrent de mettre fin à sa folie, mais aucun n'inquiétaient le roi. Seul trois d'entre eux étaient réellement redoutés, ainsi d'importantes récompenses étaient placées sur la tête de Sky, Broken Sword et Fallen Snow, les trois assassins les plus dangereux de Chine. Un beau jour, une rumeur commençait à circuler : un homme seul avait tué ces trois assassins. Le roi de Quin mit alors tout en oeuvre pour faire venir cet homme, ce hero qui avait mis fin à ses tourments. La rumeur se révéla être une réalité, l'homme en question (Jet Li) avait les armes des trois assassins. Il reçut l'immense privilège de pouvoir s'approcher du roi afin de lui raconter comment un homme seul avait pu battre les trois assassins les plus fort de toute la Chine. Le récit se déroule alors sous la forme de flash-back ou l'homme sans nom (nameless) conte ses exploits. 

Si le scénario est assez peu original (on a déjà vu ce principe des flash-back dans l'excellent Usual suspect pour ne citer que lui), il est tiré d'une légende chinoise. Une de ces légendes des temps oubliés, que seuls les livres d'histoire narrent. Et il est alors important de mettre les choses dans leur contexte pour comprendre la portée du film! Zhang Yimou s'attaque ici à une des plus grandes polémiques historique de Chine. Le roi de Quin est le premier empereur, celui par qui tout est arrivé, celui qui a unifié la Chine, qui a fait construire les routes et qui a fait s'élever la fameuse muraille de Chine! Si certains historiens le considèrent comme un grand roi, d'autres clament qu'il fut un tyran impitoyable. Sur ce coup là, Zhang Yimou n'avait pas droit à l'erreur, puisqu'il savait que son film allait réveiller cette polémique et par la même occasion s'attirer les critiques d'une partie de la population chinoise. Attention...

Soyons direct, Hero tire son épingle du jeu de sa beauté visuelle époustouflante! Zhang Yimou a clairement pris le parti de faire une oeuvre d'art! Jouant sur les couleurs et les décors avec un brio certain (Christopher Doyle n'est pas loin) il fait plonger le spectateur dans ses peintures vivantes. Il écarte par la même occasion tous ceux qui ne sont pas sensible à une certaine poésie visuelle. Et jouant le jeu jusqu'au bout, Hero est contemplatif jusqu'au bout des oreilles! S'il happera les plus sensibles dans les méandres de son histoire, il endormira les autres. En gros, âmes "pas-sensibles", s'abstenir! 

Chaque Flash-back est colorisé d'une manière différente, les couleurs étant représentatives d'un certain état d'esprit. Si le rouge est agressif, représentant la violence et le sexe, le bleu est plus calme, représentant l'amour etc... Bien entendu, les décors sont choisis pour être en adéquation avec ces couleurs. Zhang Yimou a d'ailleurs parcouru la terre entière pour trouver Le décor qui colle à chaque scène, avec un souci du détail impressionnant! Associé à la mise géniale de Yimou, on atteint le panthéon du poétique, multipliant les ralentis, plans sur la pluie tombant sur les lames des duellistes, feuilles soulevées par la puissance des coups portés, jamais esthétique n'aura été aussi poussé!

Cette esthétique a pour effet de magnifier les acteurs, en particulier lors des combats! Ceux ci sont pour la plupart très bien chorégraphiés! Si le premier -entre Jet Li et Donnie Yen- est époustouflant (offrant un second round aux deux combattants après celui de OUATIC 2), rapide, ingénieux et puissant, les autres sont justes de bonne qualité. Ching Siu-Tung ne pouvait résolument pas demander à Tony Leung ou Maggie Cheung de se battre comme Donnie Yen. Mais les combats n'étant pas au centre de l'intérêt du spectateur, la mise en scène se  à elle seule. on est d'avantage émerveillé par le jeu des acteurs, assez incroyable. Jet Li offrent ici sa meilleure prestation, très sobre, mais émouvante, on découvre une nouvelle facette de l'acteur (qui d'ailleurs prime ici sur l'artiste martial). Face à lui Chen Dao Ming est fantastique, avec cette prestance propre aux roi, mais en même temps cette sensibilité de l'homme. Zhang Ziyi est très émouvante, et confirme après Tigre & Dragon son statut d'actrice majeure de l'ancienne colonie. Mais bien entendu, tous les éloges vont au couple de In the mood for love. Maggie Cheung et Tony Leung, a nouveau réunis dans l'amour et la haine sont littéralement incroyables! Si l'amour devait être représenté, ça serait sans doute par ce couple des plus touchant et qui offrent un final dantesque.

A la musique, on retrouve les tambours et les violons de Tan Dun, avec toujours des mélodies lancinantes ou dynamiques. Impossible de ne pas penser à Tigre et Dragon tant la bo de Hero rappelle celle du chef d'œuvre de Ang Lee. Un gage de qualité qui a défaut d'être original transporte le spectateur en Chine ancienne. Autant dire que le rôle de la musique dans un film aussi lent est primordial, et Tan Dun s'est parfaitement acquitté de sa tâche. Si les solos de violoncelle, propres à Tigre et dragon sont absent (et donnant l'avantage à ce dernier), la composition est d'excellente facture. le contraire eut été étonnant!

Hero est donc un film qui divisera les foules uniquement à cause du parti pris de Zhang Yimou. Si vous n'êtes pas sensible à cette poésie, passez votre chemin, mais pour les autres, le nirvana est proche! Une réalisation léchée, des acteurs parfaits, une esthétique sublime et une musique envoûtante. J'ai personnellement adoré ce film qui quoiqu'on en dise restera dans l'histoire du cinéma chinois! Si je devais définir la beauté par un film, nul doute que ce serait lui! Le coup de pinceau de Zhang Yimou a fait mouche!

 

AOSHI

 

 

 
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