Tient encore un film coréen! On va
finir par croire qu'ils ne sont pas mauvais ceux-là. Et après de
très bonnes productions comme Guns & Talks, My Sassy girl ou
encore (et surtout) Chingu, le doute n'est plus de mise : il faudra
compter avec le cinéma coréen pour les années à venir. JSA ou
encore Joint Security Area enfonce le clou avec son passage
remarqué au festival du film asiatique de Deauville (grand prix du
festival en 2001). Réalisé par Park Chan-Wook, JSA n'est pas qu'un
succès critique, loin de là puisque'il parvient à se hisser au
rang du film ayant occasionné le plus d'entrées au cinéma en
Corée (le record sera battu ensuite par Chingu). Au regard du
phénomène et parallèlement à sa sortie en DVD en France, une
critique s'imposait. C'est aujourd'hui chose faite.
Joint Security Area, autrement dit "zone de sécurité
commune" évoque un sujet très "coréen" : la zone
de limitation entre la Corée du nord et la Corée du sud, zone de
tensions extrêmes où une guerre peut éclater à tout moment si
chaque parti ne prend pas garde. Et c'est justement le sujet du film
puisqu'il est question d'un fait divers. Seulement voilà, un fait
divers dans la JSA peut prendre des proportions énormes. Nous
sommes au "pont du non-retour", sur lequel passe la
délimitation. De chaque côté du pont, un poste de garde, l'un
nord-coréen, l'autre sud-coréen. C'est à cet endroit que le drame
a eu lieu. Deux soldats nord-coréens sont retrouvés morts et un
autre blessé. Le carnage à eu lieu à l'intérieur du poste de
garde nord-coréen. La tension atteint son paroxysme, chaque côté
accuse l'autre. La question n'est pas de savoir "qui?" car
le coupable a avoué, il s'agit d'un des deux gardes sud-coréen ,
mais "pourquoi?". Or impossible de répondre à cette
question, les deux survivants ayant chacun une version différente
des faits. pour résoudre l'énigme, obligation de faire intervenir
une personne extérieure au conflit. La CNSS envoie donc le sergent
Sophie E. Jean s'occuper de l'affaire. Celle ci aura fort à faire,
subissant des pressions de chaque côté et luttant contre le
mutisme des deux survivants, elle devra bon gré mal gré rester la
plus neutre possible tout en essayant de comprendre...
Le film est construit sur le schéma des flash-back. Chaque
révélation sera vécu sous la forme d'un flash, sans que l'on
sache si ce qu'on voit est vrai ou non. Au long du film, le
spectateur aura alors à faire à diverses versions du carnage et à
la manière du sergent Jean il devra faire la part du vrai et du
faux. Cependant, le principal intérêt du scénario ne vient pas du
fait qu'il faut trouver la véritable version des faits, car on
saura la vérité assez rapidement, mais il s'agit plutôt, à
travers les révélations des soldats - traumatisés par ce massacre
- de revivre l'histoire de 4 soldats qui malgré leurs devoirs et
leurs antagonismes se lieront d'amitié. Une amitié très forte,
mais également une amitié dangereuse, qui on le devine est la
cause du massacre. La majeure partie du film nous raconte comment
les soldats se sont rencontrés et comment évolue leurs relations
jusqu'au jour fatidique. La cause du massacre reste cependant
mystérieuse, et ce jusqu'à la fin du film.
JSA n'est donc pas un film de guerre, non plus un thriller,
mais un film sur l'amitié avec une note de suspense. Et c'est précisément
ce qui fait sa force. Park Chan-Wook nous dévoile tout son
potentiel au long du film, rendant son oeuvre intense mais aussi
très belle visuellement parlant, car JSA nous étonne aussi de part
son esthétisme, il n'y a qu'à voir la scène d'introduction avec
le hibou ou encore les soldats se déplaçant dans les hautes herbes
ou la dans la neige, tout simplement magnifique, un côté que l'on
voit rarement dans un film de "soldats", il faut croire
que les coréen sont vraiment doués pour ce qui touche la
photographie. Chan Wook ne fait pas de l'esbroufe, il filme
sobrement, se concentrant sur les acteurs, tout en signant de
superbes plans pour certaines scènes phares.
Les acteurs, justement sont aussi la clef de la réussite du
film, le quatuor de tête (les quatres soldats) étant très justes
dans le ton et surtout très émouvants. Le film reposant sur les
acteurs, c'était un point qu'il ne fallait pas négliger. On sent
le traumatisme passant dans les yeux des rescapés, près de la
folie. S'ils paraissent froids et durs lors de la première
rencontre, on s'attache forcément à eux lors des flash-back
lorsque nostalgiques, ils parlent de leur amies, de leurs pensées.
Chaque allusion à la guerre, au fait qu'ils pourraient un jour
devoir s'affronter instaure un certain malaise dans les yeux de
tous, merveilleusement retranscrit. Une telle intensité qui aide à
comprendre le relâchement d'émotions final, cause du massacre.
Plus qu'un simple fait divers mal placé, JSA évoque un
malaise présent entre les deux Corées, deux pays qui
souhaiteraient se rapprocher, mais qu'une cinquantaine d'années de
conflits ne peut cessent de rappeler à l'ordre. Park
Chan-Wook joue d'ailleurs avec brio sur cet élément qui sépare
les deux pays, cette ligne infranchissable cause de tous les maux.
Certaines scènes sont ainsi superbes, comme celle de la casquette
d'un touriste qui prise par le vent vient tomber de l'autre côté
de la ligne, ou encore une ombre d'un soldat qui dépasse la ligne
et qui oblige ce dernier à faire un pas en arrière.
Le film est emmené par une musique relativement sobre, dans
le ton de la guerre avec majorité de percussions, cependant si je
fais un paragraphe dessus, c'est qu'il y a quelque chose ;) En
effet, une scène viens se démarquer du lot, une scène de guerre,
avec rafales et tirs de grenades mais qui étant très émouvante
est soulignée par une musique incroyablement belle, une
"simple" mélodie à la guitare sèche, qui prise seule pourrait
paraître anodine mais intégré dans cette scène fait
littéralement planer le spectateur. Une scène qui m'a
profondément émue, mais qui sans la musique ne serait rien du
tout!
Voilà donc comment on pourrait résumer JSA : un film de
guerre profondément humaniste, peinture de deux nations vivant un
malaise d'ordre humain. Un film maîtrisé de bout en bout, avec des
acteurs époustouflants et une mise en scène efficace, emmené par
quelques scènes anthologiques. Un film a ne pas louper pour
comprendre ce que peut être le cinéma coréen. Un des meilleurs
films que j'ai pu voir cette année, et que je mettrais sur le même
plan que "Chingu", c'est dire...
AOSHI
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