Pour
sa 8ème oeuvre, Mister Kitano abandonne les yakuzas et signe un
film qui prend à contre pied tout ce qu'on pouvait attendre de lui.
L'été de Kikujiro est en effet une comédie que l'on pourrait qualifier
de "toute mimi". Une chose est sûre, le réalisateur-scénariste-monteur-comédien-comique-peintre-musicien-
écrivain (ouf!) n'a pas fini de surprendre et ceux qui croyaient
qu'il finirait par tourner en rond se carrent le doigt dans le nez
profondément jusqu'au troisième sourcil droit! Les fans du monsieur
seront certainement surpris, mais sachez que "l'été de Kikujiro"
garde l'essentiel du style habituel de Kitano-san et va même plus
loin encore sur certains points. Bon, après cette introduction ma
foi rondement menée, je vous propose d'entrer dans le vif du sujet.

Masao est un gamin d'environ 10 ans. Il a perdu son père il y a
longtemps et sa mère est partie (soi-disant pour le travail). Aussi,
Masao vit avec sa grand-mère. Ce sont les grandes vacances, et tous
ses amis partent en voyage avec leur famille. En retrouvant par
hasard une photo de sa mère, il décide d'aller à sa recherche. Il
sera accompagné par un ancien yakusa, tricheur et voleur. En chemin,
des liens se tisseront entre les deux personnages et débute alors
une formidable aventure à travers le Japon. Et voilà, on peut pratiquement
résumer toute l'histoire ainsi. Kitano s'attaque donc à la sempiternelle
histoire du gamin et du vieux baroudeur. Et si l'on pouvait avoir
peur, une chose est claire : Kitano est aussi à l'aise quand il
s'agit de parler de yakuzas ou de gamins (quoique la différence
est parfois minime, surtout lorsqu'on repense à Sonatine).

Tout au long du film, on suit donc nos deux compères dans leurs
aventures burlesques à travers le Japon. Le film est très original
dans sa réalisation, quelques plans sont très étranges (vue à travers
les yeux multiples d'une libellule, plan-reflet sur un enjoliver
d'une voiture,...) mais représentent bien l'univers du film, c'est
comme si on voyait l'histoire à travers les yeux de Masao. De même,
le film est divisé en chapitres de livre d'enfant. Quant aux situations,
au fur et à mesure qu'on avance dans le film, elles sont de plus
en plus surréalistes, mais bizarrement, on ne s'y attarde pas, on
regarde le film comme il vient, sans se dire que c'est n'importe
quoi. On sait pertinemment qu'il peut se passer tout et n'importe
quoi tout au long du film, à l'image des rêves de Masao.
Le film se veut émouvant mais est aussi très drôle (pour le peu
qu'on aime cet humour très japonais). Il faut voir comment Kitano
se démène pour réussir à se faire prendre en auto stop. De même
dans la dernière partie du film, lorsque tout le monde joue avec
Masao à des jeux de gamins, c'est très réussi. Après coup
on se demande comment on a pu rire dans ces scènes de grand n'importe
quoi. Et c'est là que réside le génie de Kitano, il réussit à nous
captiver avec des scènes qu'on aurait rejeté dans n'importe quel
autre film. En un sens, on retombe en enfance tout au long du film,
thème cher à Kitano.

Le personnage de Kitano apparaît tout d'abord comme un monstre
sans coeur qui ne pense qu'à l'argent, mais au fur et à mesure que
l'histoire avance, on s'attache au personnage, qui tout en étant
vulgaire et violent, est touchant de gentillesse. Il s'efforce tant
bien que mal de rendre Masao heureux, mais tout en continuant à
le traiter de "p'tit con". C'est ce qui fait le charme du personnage
(si on peut appeler ça ainsi) car qui peut imaginer un Kitano qui
ne soit ni violent, ni vulgaire? A côté de Kitano, on trouve une
belle brochette de personnages tous aussi étranges les uns que les
autres. D'ailleurs, on ne connaît pas leur nom, c'est Masao qui
les appelle "tonton", on a donc le gentil tonton, le gros tonton
et le tonton chauve. Des personnages somme toute très attachants.
Tiens, pendant que je suis là, j'ai une petite anecdote sympa à
vous raconter. Vous savez pourquoi Takeshi Kitano est parfois appelé
BEAT Takeshi? Hé bien c'est parce qu'il faisait partie d'un duo
comique nommé "two beats", il y avait donc BEAT Takeshi et BEAT
Kiyoshi. C'est cool non? Mais qu'est ce que ça vient faire ici?
C'est simple, BEAT Kiyoshi apparaît dans le film comme clin d'oeil,
il s'agit du très étrange personnage qui attend son bus et à qui
Kitano vole son déjeuner. Voilà voilà, top moumoute non?
Bon, il y a quelque chose dont je n'ai pas encore parlé, de quoi
cela pourrait il bien être? Allez devinez ! Si je vous dis "Joe"
vous répondez quoi? Mais non pas Joe l'indien! Joe Hisaishi bien
sûr! Et si je vous dis qu'il a encore composé une mélodie de folie,
vous me croyez? Oui bien sûr, comment celà pourrait-il en être autrement.
Voici donc l'une de ses meilleures compositions, une mélodie toute
simple au piano qui sent bon les vacances. Si vous cherchez une
musique qui reste dans la tête pendant des mois, vous avez déniché
le gros lot, je n'ai pas pu m'en dépêtrer avant un sacré moment,
alors attention, l'écouter, c'est l'adopter. Une parfaite représentation
du film en musique.
L'été de Kikujiro est donc un OVNI cinématographique mais qui vaut
sans aucun doute le coup d'être vu (et écouté). On en est tellement
dépaysé qu'on reste heureux toute la journée durant. Le film est
beau, et pour une fois dans la filmo de Kitano il ne se finit pas
mal, mais sans tomber dans la niaiserie de la plupart des films
du genre où tout s'arrange finalement comme par magie. Masao n'est
pas plus avancé à la fin (seul le plus naïf peut imaginer que sa
mère décide comme par magie de revenir avec son fils qu'elle a abandonné)
mais indubitablement, il est heureux, car il vient de passer les
plus merveilleuses vacances de toute sa vie, et ça c'est ce qui
importe le plus quand on est haut comme trois pommes.

AOSHI 
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