
Nous y voilà donc!!!!! Ahhh, franchement, rien que d'y penser,
j'en frémis d'avance. C'est avec un bonheur sans pareil que je vais
maintenant m'attaquer à ce film que beaucoup considère comme LE
film de Takeshi Kitano. Ah, Sonatine, quel souvenir! Je me souviens
de la première fois où je l'ai visionné : Je rentrai du boulot,
22h, je me dis que cela serait sympathique de regarder ce fameux
dvd acheté quelques jours plus tôt. Et voilà, sans m'occuper de
l'heure ma foi tardive, je lance ma playsation 2 et attend le menu
du film! Allez! Je me mets bien au chaud dans mon lit, puis
"play", enfin!! Je vais voir ce fameux prétendu chef d'oeuvre. Le
film commence, apparition de Kitano, toujours aussi expressif, il
ouvre la bouche et là.....horreur, j'entends un pitoyable doublage,
une voix de bûcheron qui a la gorge en flammes!!! Quelle malchance,
je suis obligé de me relever pour aller chercher la manette! Bon,
menu, langues, version originale sous titrée!!! Ok, cette fois ci,
c'est bon, je me recouche donc, et "play" de nouveau, non mais!
Même scène, Kitano parle, .....Mais c'est pas vrai!!!! J’entends
rien!!! Je me relève donc pour aller monter le son! Quelle soirée
difficile!!! Bon, cette fois c'est la bonne! Je suis prêt!!! Goldorak
Go!

Une heure et trente quatre minutes plus tard, le générique apparaît.
Je reste là, comme une mouette hébétée! Je suis profondément touché!
Le plus étrange, c'est que je ne peux pas dire si j'ai oui ou non
aimé le film. Tout ce que je sais, c'est que Sonatine est définitivement
un film à part! Puis quelques jours plus tard, je me rappelle une
scène, "ouais, elle était vraiment bien cette scène! Tiens, je regarderai
bien Sonatine de nouveau!". Et voilà, c'est le même scénario depuis,
je regarde ce film à intervalles réguliers, je ne peux plus m'en
empêcher!!! Sauf que désormais, je me suis fait mon avis sur le
film! Avis que je vais essayer de vous faire passer!
Comme je l'ai déjà dit, Sonatine est le premier film de Kitano
à avoir connu le succès. Non pas au Japon, non pas en Amérique,
ni en Afrique du sud, ni en Angleterre, ni en Papouasie territoriale,
mais où donc alors? En France pardi! C'est au festival du
film policier de Cognac que le film a atterit. Il n'y obtint un
succès pourtant que très mitigé, il faut dire qu'un film de Kitano
n'est pas des plus abordables. Alain Delon lui même ne comprend
pas comment un acteur peut être aussi inexpressif et déteste ce
film. Pourtant, certains sont enthousiasmés (Quentin Tarantino par
exemple) et Sonatine continue son petit bonhomme de chemin pour
enfin être reconnu à sa juste valeur. Notons que Kitano n’a pas
donné à son film le nom de Sonatine pour rien. En effet, un musicien
pouvant jouer une sonatine peut jouer les morceaux qu'il désire,
Kitano fait ici l'analogie avec son niveau de réalisateur pour montrer
qu'il a désormais atteint un nouveau palier.

C'est pas tout ça, mais ça fait déjà pas mal pour une intro. Passons
au film en lui même, direct, comme ça, sans crier gare, tout de
go ! Le film nous raconte l'histoire d'un yakuza, Murakawa (interprété
par Kitano), bras droit du chef. C'est un homme froid et sans pitié,
qui n'a plus à faire ses preuves au sein du gang. Cependant, il
est las de cette vie - comme lui fait remarquer l'un de ses hommes
"vous êtes trop riche pour tout ça." (j'adore cette réplique ^^
) - et rêve de se retirer. Lors d'une réunion, son chef lui demande
de partir à Okinawa pour aider un clan ami ayant des problèmes avec
un autre. Malgré sa réticence, Murakawa accepte de partir avec quelques
hommes pour régler cette affaire. Il comprend vite que quelque chose
ne tourne pas rond quand le chef dudit clan lui affirme qu'il n'avait
pas demandé d'aide. Après une fusillade avec le clan ennemi, Murakawa
décide de se cacher et d'observer ce qui arrivera. Lui et ses hommes
trouvent donc refuge dans une maisonnette sur la plage. La longue
attente commence et il faudra trouver des occupations pour ne pas
mourir d'ennui pendant ces "vacances" forcées...
Je préfère ne pas vous en divulguer plus. Mais sachez que Sonatine
n'a rien de ce qu'on pourrait attendre d'un film de gangsters......à
part des gangsters. De même, l'intrigue passe rapidement au second
plan pour nous présenter la vraie nature du film. Sonatine est un
polar qui n'a pas grand chose à voir avec les polars classiques.
Ici, pas de gunfights héroïques chorégraphiés comme des ballets
(comme on peut en voir dans les films de John Woo en particulier).
Tout est statique! On le remarque bien dans l'une des rares fusillades
de ce film. Aucun personnage ne bouge, personne ne tente de se cacher
des balles ennemies. Absolument tout le film approfondit le point
de vue de Kitano. En effet, ce dernier veut montrer la place que
prend le destin! Pas la peine de se cacher, si on doit mourir, alors
on mourra! C'est ce que précise d'ailleurs Murakawa par la suite
: il n'a pas peur de mourir, la peur est tellement omniprésente
que mourir serait une délivrance. En outre, cette "attente" de la
mort renforce la violence du film. Celle ci éclate brusquement,
sans prévenir, par flashs, on peut voir en cela exactement l'opposé
des films policiers conventionnels où le personnage principal vient
à bout de ses ennemis dans un gunfight de folie.
Je ne pense pas qu'on puisse coller à Sonatine l'étiquette "polar",
même si l'intrigue a tout de celle d'un polar, elle n'est qu'accessoire.
En effet, la partie la plus importante du film est cette attente
interminable, ce moment en dehors du temps où l'histoire n'a plus
court. Plus que l'histoire d'une traîtrise, Sonatine est l'histoire
de gangsters qui retombent en enfance. N'ayant rien à faire de leurs
journées, ils inventent des jeux tous aussi débiles les uns que
les autres, comme jouer aux cow-boys avec pour armes des fusées
de feu d'artifice, ou encore jouer aux sumotoris sur le sable. Et
c'est pour cette partie que Sonatine est un chef d'oeuvre! En nous
montrant des yakuzas, connus pour leur férocité légendaire, jouer
sur la plage comme des gamins. C'est ici l'un des thèmes favoris
de Kitano, qu'on aperçoit également dans Jugatsu auparavant : le
désir de revenir au temps révolu de l'enfance. C'est d'ailleurs
ce qui rend le film si beau, si magique, toute l'âme du film repose
sur ces séquences étonnantes. Ce sentiment étrange de décalage est
aussi renforcé par l'attitude des personnages. Ceux-ci ne parlent
que très rarement et ne laissent passer aucune expression sur leur
visage, ce qui ne les empêche pas d'avoir une réelle présence au
cours du film.

On retrouve de même au cours du film l'humour si particulier de
Kitano, avec des gags très froids, très noirs. Le montage du film
permet aussi de réaliser certains gags, comme précédemment dans
Jugatsu, ces gags très particuliers montrent toute la virtuosité
de Kitano (scène de l'accident de voiture). Toutefois, Sonatine
n'est pas une comédie, cela reste un film très sombre où le gag
arrive comme un cheveu dans la soupe pour mieux surprendre le spectateur.
On reste constamment dans l'ambiance très noire du film, qui choque
par sa violence brusque. En témoigne la fin du film ou le retour
à la réalité après cette période de jeux est très brutale.
On retrouve dans Sonatine toute (ou presque) l'équipe d'acteurs
attitrée de Kitano. Tous les acteurs sont parfaits : de Kitano qu'on
ne présente plus à Tetsu Watanabe (excellent danseur ^^ ) en passant
par Ren Osugi (sublime dans Hana-Bi), Susumu Terajima (un de mes
acteurs préférés) et Masanobi Katsumuru (parfait dans son rôle).
Pour vous dire franchement, Sonatine est le film de Kitano avec
le meilleur casting selon moi. Un atout non négligeable pour un
film de cette trempe.
Mais que serait un Kitano sans son Hisaishi! Je n'ose même pas
imaginer Sonatine sans sa musique. Hisaishi est désormais le compositeur
attitré de Kitano, pour notre plus grand plaisir. Pour vous faire
une idée, Hisaishi est un des compositeurs japonais les plus réputés,
il a notamment signé les OST des films de Hayao Miyazaki (Mononoke
Hime, sen to chihiro no kamikakushi, tonari no totoro,...). Cependant,
son travail avec Kitano est complètement différent de celui sur
les oeuvres de Miyazaki. Alors que pour ce dernier, il composait
de grandes symphonies lyriques et magiques, il compose pour Kitano
des mélodies très simples, très épurées, mais qui contiennent une
magie et des émotions indescriptibles. Pour Sonatine, Hisaishi a
fait une mélodie très simple, qui colle incroyablement bien aux
images. Les notes de piano font planer le spectateur très haut,
elles sont l'âme du film et contribuent grandement à l'émotion dégagée
lors du grandiose final.
Sonatine dispose donc d'un casting de rêve, regroupant Kitano,
Hisaishi et des acteurs excellents. De ce fait, on atteint le panthéon
cinématographique! Kitano signe un film noir inclassable et magnifique.
Un chef d'oeuvre incontournable!!! A voir, à revoir, à enregistrer
et à re-enregistrer!! Pour finir, je donnerai une citation de Kitano.
A un critique qui lui demandait si Sonatine était une comédie ou
un cauchemar, Kitano répondit : " C'est une comédie avec un cauchemar".
AOSHI 
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