
PlayStation Magazine : Parlez-nous de la naissance de Vagrant
Story.
Yasumi Matsuno : Après avoir achevé Final Fantasy Tactics,
mon équipe et moi souhaitions créer un titre repoussant les limites
de la PlayStation. Pourtant, dès le départ, il nous a paru indispensable
de soigner l'ambiance de notre nouvelle aventure. Il nous fallait
concevoir un univers à la fois cohérent mais incorporant aussi de
nombreux éléments fantastiques. Dans le fond, je pense que c'est
pour cela que nous nous sommes tournés vers l'époque médiévale.
PM : Qu'est-ce qui a motivé votre choix de Saint-Emilion
comme modèle pour LeàMundis ?
YM : Il existe plusieurs raisons (rires)... tout d'abord
car nous voulions créer un monde qui paraissent vraiment réel avec
des teintes chaudes et des roches au grain très particulier. C'est
quelque chose que nous n'avons pas au Japon et je savais que je
pouvais le trouver dans le sud de la France ou en Espagne. Nous
nous sommes donc rendu sur place et j'ai immédiatement senti que
l'architecture de Saint-Emilion et l'aspect de certains édifices
colleraient parfaitement à l'ambiance de Vagrant Story. Et puis
vous savez, il y a ces fameux vins que j'apprécie alors comment
résister (rires).
PM : En tant que fan de cinéma, certains films vous ont-ils
inspiré lors du développement ?
YM : Je cultive, en effet, une véritable passion pour le
cinéma, mes goûts étant plutôt diversifiés, des blockbuster hollywoodiens
au cinéma d'auteur français ou japonais. En revanche, vous citer
une référence en particulier me paraît complètement impossible.
Vous savez, il s'agit d'un ensemble, de ce que vous assimilez. Je
pense que cela doit rejaillir sur mes jeux de manière indirecte,
sans vraiment que je m'en rende compte finalement. Quoi qu'il en
soit, lorsque j'ai débuté le projet Vagrant Story, j'étais complètement
captivé par les séries de Chris Carter. Encore plus que X-Files,
c'est Millenium qui m'a probablement le plus marqué. C'est probablement
pour cette raison que les thèmes traités dans Vagrant Story sont
assez sombres et parfois carrément mystérieux.
PM : Vous souvenez-vous du moment précis où vous avez ressenti
que le jeu commençait à prendre forme ?
YM : Oh oui, tout à fait. Vous savez, au départ, chaque
équipe travaille de manière indépendante, chacun devant développer
une partie bien définie du jeu. Mon rôle est, bien évidemment, de
veiller à la bonne coordination des efforts, mais aussi de sentir
à quel moment nous pouvons commencer à regrouper les différents
éléments pour enfin donner naissance au jeu. C'est véritablement
le jour où nous avons assemblé la scène d'introduction et plus particulièrement
le moment où Sydney invoque un dragon dans la chapelle que le cœur
de Vagrant Story a réellement commencé à battre. Après tant de mois
d'efforts, je peux vous avouer que ce moment était assez émouvant
pour toute mon équipe et moi.
PM : Avec tant de maîtrise technique, de talent pour diriger
la mise en scène, il est étonnant que les protagonistes ne parlent
pas. Comment expliquer cette décision ?
YM : Hum, vous touchez ici un point sensible, une question
que l'on m'a posée au sein de Square. C'est un fait, les héros reste
muets, mais je peux vous assurer qu'il s'agit là d'un choix d'ordre
technique que d'une réelle volonté. Nous avons créé près de 500
lieux, sans compter la place prise par les cut-scènes. Si nous avions
dû ajouter à cela des voix, il aurait été impossible de faire tout
tenir sur un CD. Alors pourquoi ne pas avoir édité deux CD ? Eh
bien tout simplement, car Vagrant Story nécessite parfois quelques
allers retours et j'aurais alors obligé le joueur à alterner régulièrement
entre CD1 et CD2. Cela aurait brisé inutilement le rythme, ainsi
qu'allongé significativement les temps de chargements, et en tant
que joueur je n'aurais personnellement pas vraiment apprécié. En
tant que directeur du jeu non plus d'ailleurs, ce qui explique ce
choix (sourire).
PM : Malgré sa qualité, au Japon, Vagrant story n'a pas
connu une réussite aussi fulgurante qu'escomptée. Votre sentiment
?
YM : Je dois reconnaître que les ventes de jeu vidéo ont
singulièrement baissé en début d'année, et nous en avons été malheureusement
l'une des victimes. Alors, si je n'irai pas jusqu'à parler de crise,
il est incontestable que le marché s'est effrité. Personnellement,
je vois aussi une autre raison. Lorsque Vagrant Story est sorti,
l'arrivée de la PlayStation 2 était imminente et les joueurs économisaient
pour cet événement.
- Propos recueillis par Playstation Magazine -
|