Compositeur : Yasunori Mitsuda
Arrangement : Yasunori Mitsuda
Durée : Disque 1 : 69'54 (25 plages) ; Disque 2 : 60'03 (26
plages) ; Disque 3 : 53'25 (16 plages)
Tracklist
Quatrième soundtracks dont s'est occupé
Yasunori Mitsuda, Chrono Cross est sans aucun doute son travail le
plus personnel, à travers lequel il y expose très clairement sa
vision du rêve par la musique. Le style des mélodies se situant
le plus souvent entre Chrono Trigger et Xenogears, Yasunori
Mitsuda n'hésite pas à reprendre la base de certains morceaux de
ses précédentes œuvres (n'oublions pas de citer Radical
Dreamers) pour former un ensemble enchanteur et grisant. La magie
peut opérer…Nb : J'ouvre une petite parenthèse avant de
commencer. Les titres des pistes que vous pourrez trouver dans les
lignes suivantes ne correspondront peut-être pas à celles que
vous possédez. Ne vous inquiétez ceci est (à peu près) normal.
En fait je n'ai jamais vu une Ost avec de telles divergences dans
la traduction. Pour vous y retrouver je me base sur la tracklist
que je propose ici.
Disque 1
L'album s'ouvre par un coup de tonnerre qui a
pour doux nom Chrono Cross ~ Time's Scar, le thème de l'intro.
Mitsuda commence son ost de la meilleure façon qui soit par un
thème du feu de Dieu. Le début très tranquille à la flûte et
à la guitare sèche sent la poudre. Puis tout explose dans un
fracas d'instrument, violons et percussions prennent place pour
former un formidable ménage. Le rythme s'intensifie jusqu'à
l'extrême, les instruments semblent prendre plaisir à
s'entrecroiser dans un chahut paradoxalement organisé. Cette
première piste met d'entrée le feu à l'album.
Edge of Death, la piste suivante, très moyenne
reste dans le même esprit rythmique, très rapide. Mais après
cette introduction mouvementée l'ambiance de l'album change du
tout au tout. Les pistes suivantes sont beaucoup plus fluettes et
plus gaies, permettant à la musique de Mitsuda d'instaurer un
sentiment de fraîcheur et de dépaysement à l'auditoire.
Ensuite interviennent deux pistes aux accents
plus tristes. Bien que très différentes l'une de l'autre Lost
Pieces et Dream of the Shore Near Another World arrivent à leur
manière à éveiller en nous un brin de nostalgie. Si la
première joue sur la légèreté et la sobriété du piano pour y
parvenir, la seconde quant à elle utilise des artifices beaucoup
plus impressionnants et convaincants. Mitsuda enrobe ce morceau
d'un style celtique, très doux et velouté. Le rythme lancinant
du violon plonge l'auditeur dans un sentiment de désolation alors
que le rythme du piano en arrière semble symboliser la perte de
la notion du temps.
Ces deux morceaux et les suivants marquent un
passage où le ton de l'album change légèrement. Sans que
celui-ci ne devienne plus sombre, Mitsuda parvient à faire
resurgir en chacun un sentiment de nostalgie, auquel on avait pu
très furtivement goûté dans le thème d'ouverture. Sentiment
cristallisé dans la splendide Lost Pieces par le son très fin de
la guitare sèche et celui plus langoureux et plus grave du
violon.

Et comme s'il s'amusait à jongler avec nos
sentiments, le compositeur nous propose à nouveau deux thèmes
rythmés, plutôt gais, voir folkloriques avant de faire sombrer
son album dans un côté plus sombre. La transition entre les deux
styles est clairement exprimé par la treizième plage, Quitting
the Body. A partir de ce morceau les thèmes qui suivront seront
beaucoup plus inquiétants et assez souvent mystiques, comme en
attestent les très beaux Lost Child of Time, Swamp of Hydora ou
encore Ancient Dragon's Stronghold. Ce dernier est d'ailleurs
très surprenant, car fortement accentué d'une musique de
cathédrales grâce à l'apparition des cuivres.
Soucieux d'éviter la répétition des accords,
Mitsuda n'hésite pas à entrecouper ce passage "dark"
par des morceaux beaucoup plus gais et enivrants comme Another
Galdove et surtout Voyage ~ Another World, qui résume presque à
lui seul, ce que l'on peut ressentir en s'investissant dans
l'expérience Chrono Cross.
Outre des excellents morceaux tels Time's Scar,
Dream of the Shore Near Another World ou Lost Pieces, on retiendra
surtout de ce premier tiers d'ost, la dualité des styles. D'un
côté la légèreté et la naïveté de certains thèmes
instaurent une ambiance très gaie, alors que de l'autre des
morceaux plus ténébreux, parfois mystiques, souvent emprunts de
nostalgie, confèrent à ce premier disque un côté un peu plus
sombre.
Disque 2
La seconde galette de l'ost commence par
Beginning of a Dream, une courte musique de 42 secondes pleines
d'espoir et semblant assurer le lien vers un nouveau monde et par
la même occasion une nouvelle ambiance…Les pistes suivantes,
semblent pourtant contredire cette sensation puisqu'on a une
nouvelle fois droit à des morceaux semblables à ce que l'on
pouvait trouver dans le premier Cd à savoir un retour à des
thèmes plus frais comme Voyage ~ Home World ou Zerubess.
Néanmoins on sent tout de même apparaître quelques accords plus
ternes, plus mystiques comme le rappellent la flûte et les
instruments à vent du celtique Home Mabuure. De plus, Dragon
Knight apporte des sonorités plus guerrières comme le faisait
Edge of Death au début de l'album. La suite est du même acabit et
on note toujours la volonté de Mitsuda d'alterner les styles et
les ambiances. On remarque néanmoins que certains accords de The
Big Splendid Astonishing Magic Group et de Dilemma se rapprochent
très nettement de ce que l'on pouvait entendre sur la
bande-sonore de Xenogears et que le côté sombre des pistes
commence à se faire une place plus importante.


Néanmoins il faudra attendre Island of the
Dead en piste 14 pour réellement sentir une césure dans les
styles. S'ensuit alors un des passages les plus sombres de
l'album. C'est d'abord Death Sea ~ Ruined Tower qui propose une
mélodie ambiante très inquiétante, parfois pesante, reflétant
bien la réalité des lieux. C'est ensuite de la tristesse que les
violons de People Imprisoned by Destiny et la guitare sèche de A
Lost Before, Light se chargeront de vous communiquer avant que
Earth Dragon's Island ne vienne dévoiler son mysticisme.
Et c'est enfin le très beau Navel of the World
qui viendra couper court à ce passage en retrouvant des
sonorités plus joyeuses. Suivra le thème des combats
difficilement audible pour toute oreille normalement constituée […],
heureusement rattrapé par le très posé Another Mabuure, très
joli et très calme, respirant la tranquillité. Finalement le
second disque s'achève superbement par le thème du concert,
Magical Dreamers ~ The Wind, the Stars and the Sea. Le morceau
aura d'ailleurs été sujet à un prologue soigné, puisque trois
petits préludes introduisent à leur façon le refrain. Tout
d'abord des chœurs très saisissants avec Fairies Yield Magic
auxquels succèdent deux fois de suite les mêmes accords de
guitare électrique. Enfin se met en place la musique jouée
durant le concert du jeu. Ce thème est réellement un bon exemple
de la richesse de composition dont fait preuve l'ost de Chrono
Cross (contrairement à ce que les détracteurs tentent
d'affirmer...). Il débute sur un long riff à la guitare
électrique. La guitare sèche et les percussions viennent ensuite
s'ajouter pour former une mélodie assez étrange, proche de la
fusion.
Cette deuxième partie d'album ne propose
peut-être pas de thème si extraordinaires que les deux autres
mais en contre partie elle jouit d'une densité remarquable, bien
supérieure en tout cas à celle du premier Cd. Car, hormis le
thème des combats, la qualité d'ensemble atteint un niveau
d'excellence constant.
Disque 3
Garden of God, première piste de cette
dernière partie de l'album, est à l'image de ce que l'on va
entendre durant un bon moment dans ce Cd. A savoir que les thèmes
enchanteurs ont définitivement laissés place aux mélodies plus
sombres.
Même Fates ~ God's Destiny ~ thème qui
accompagne le combat contre la divinité du même nom prend des
allures inquiétantes. On a vraiment du mal à penser que ceci est
une musique de boss, tant elle est différente de ce que l'on a
l'habitude d'entendre.
Les thèmes composants ce début de troisième
Cd sont globalement du même tonneau que Garden of the Gods, c'est
à dire très ambiants. C'est alors qu'arrive en cinquième plage
Orphanage of Flame. C'est dans des moments tels que celui où elle
intervient dans le jeu que l'on est heureux d'avoir fini Chrono
Trigger avant Cross… enfin passons… Morceau au rythme
psychédélique agrémenté de sublimes chœurs, cet Orphanage of
Flame est la représentation musicale parfaite de l'idée que l'on
peut se faire du Malin. Une musique très troublante, qui
démontre à quel point Mitsuda est capable de maîtriser beaucoup
de genre différents, alors qu'on le réduit souvent à un
compositeur attitré à la seule musique celtique. La piste
suivante Star-Stealing Girl est dans un autre registre tout aussi
magnifique. La mélodie déjà très triste, est accompagné par
des chœurs de jeunes filles du plus belle effet, et remplissant
à merveille leur rôle d'accentuer ce sentiment.Dreamwatch of
Time, qui suit est également magnifique. Elle reprend la mélodie
principale de Dream of the Shore Near Another World, tout en
l'agrémentant de divers instruments faisant de cette mélodie un
thème guerrier.
La suite est un peu plus calme puisque
composée de mélodies ambiantes. Douces pour Dragon's Wish,
inquiétantes voir lugubres avec Star Tower, mystiques avec Frozen
Flame, elles restent toujours excellentes quelque soit leur style.

Intervient alors Dragon God, la musique du
combat contre le Time Devourer. On se croirait dans Xenogears tant
la filiation avec Awakening est ici évidente. La mélodie au
violon, très rythmée et très variée dans ces intonations est
superbe. La nouvelle utilisation parfaite des chœurs, met encore
en exergue la qualité de l'instrumentation, et ajoute une touche
mystique des plus appréciables. Au même titre qu'avec Orphanage
of Flame, Mitsuda délivre ici toute sa puissance et montre en ce
final d'ost qu'il est aussi capable de composer des musiques de
combat dignes de ce nom. Et justement, le final de l'ost est quant
à lui des plus éblouissants. Life ~ Faraway Promise tout d'abord
qui accompagne magnifiquement le combat final en y apportant une
touche de liberté et d'espoir retrouvé, est superbe. Elle
symbolise parfaitement l'état d'esprit dans lequel on aborde la
fin de Chrono Cross et par la même occasion de cette Ost.
Mais la piste qui marque le plus le dénouement
de cet album reste Radical Dreamers ~ Le trésor interdit ~ la
chanson qui récompense la vraie fin du jeu. Encore une fois c'est
superbe, léger et rafraîchissant à l'image de l'album. La voix
très douce de Noriko Mitose s'accorde à la perfection avec le
rythme et la mélodie satinée de la guitare acoustique.
Après cette chanson magnifique il ne reste
plus qu'à fermer les yeux et, bercé par Dream Fragments,
repenser à tous les instants forts que l'on vient de vivre en
compagnie de Serge et ses amis… Conclusion, Mis à part les
quelques morceaux anecdotique du premier Cd et le thème des
combats, l'Ost de Chrono Cross jouit d'une qualité d'ensemble
tout à fait admirable. Aucun thème n'est à jeter, tout
s'écoute avec un plaisir et contribue à la sensation d'évasion
qui submerge le joueur. Mieux que cela, certains thèmes, reflets
du talent du jeune compositeur, parviennent à se hisser un cran
au dessus de la moyenne pourtant très élevée. Mitsuda
atteignant le paroxysme de l'ingéniosité dans l'ultime galette.
Dans un tout autre style que Sakimoto avec
Vagrant Story, Yasunori Mitsuda parvient avec la même réussite
que son comparse à instaurer une ambiance unique, transportant
l'auditeur dans un autre monde. Misant sur les sensations qui en
émanent plus que par ses qualités de composition, l'ost de
Chrono Cross, revisite une à une chaque émotion enfoui en nous
et demeure un voyage musical de trois heures dont on ne se lasse
jamais. A consommer sans modération.
Note globale : 9.5 / 10
Yahiko